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Erreurs médicales : origine conjoncturelle ou structurelle ?

60 000 morts par an ?

mercredi 21 février 2018, par Christian Portal

Le 19 février 2018, au journal de 13 h de France2, le problème des erreurs médicales a été abordé. Comme toujours, on demande à un médecin, Jean Daniel Flaysakier, d’expliquer ce qui se passe et comment éviter ces événements.

Demander à une personne qui a contribué à une démarche d’en corriger les excès est exactement ce qu’Einstein déplorait : « Les grands problèmes auxquels nous faisons face ne peuvent être résolus en suivant le raisonnement qui a contribué à les créer.  ».

Pourtant le nombre de cas est à peu près le même que 10 ans auparavant [1] malgré les précautions que JD Flaysakier signale (Checklist et communication entre personnels). Malgré cela, il persiste à dire que, grâce à ces précautions, le nombre de morts a baissé. Pourtant, des associations de patients évoquent le nombre de 60 000 décès par an, ce qui est évidemment considérable. Curieusement, quand le journaliste annonce ce chiffre, personne sur le plateau ne relève l’énormité de cette situation. Cela semble presque normal !

La question qui se pose, alors qu’on semble prendre de nombreuses précautions, est : « pourquoi la situation ne s’améliore pas plus franchement et pourquoi reste-t-on à un tel niveau d’échec ? ».

Si nous étions face à un problème conjoncturel, les accidents existeraient toujours mais de façon plus marginale. Ils ne concerneraient que des situations exceptionnelles comme des urgences saturées par une épidémie ou un accident impliquant de nombreuses victimes. Ce cas est bien sûr prévu mais les accidents continuent de se produire même en dehors de circonstances exceptionnelles.

Tout ceci indique qu’il s’agit d’un problème structurel. Il y a tout d’abord des aspects liés au paradigme médical. L’industrie pharmaceutique chimique ainsi que la technologie ; tout concourt au risque. Indépendamment des problèmes d’erreurs de prescription, les médicaments posent des problèmes d’effets indésirables mais surtout imprévisibles. Il peut y avoir des problèmes d’allergies qui peuvent être connus mais qui peuvent aussi se déclencher inopinément. Ce sont ces effets imprévisibles qui sont les plus importants car, sans pouvoir l’anticiper, ces médicaments sont susceptibles d’entraîner des réactions brutales et dommageables. Néanmoins, le plus ennuyeux sont les conséquences à long terme des traitements à vie de plus en plus dispensés par les médecins. Ces traitements sont à la confluence avec l’aspect économique du problème.

En effet, c’est bien le principe médical qui favorise les traitements à vie, pour l’hypertension, le diabète, les maladies de la thyroïde ou les maladies cardiovasculaires de même que les traitement récurrents contre des infections ou des problèmes digestifs ainsi que des médicaments très agressifs notamment en cas de cancers. Ces questions de paradigme sont soutenues par des principes économiques qui obligent à une croissance permanente nécessitant toujours plus de malades et plus de maladies. Cette inflation de situations pathologiques ne peut que créer une augmentation des risques quelque soient les précautions que l’on prendra.

Comme chaque fois qu’on encontre une difficulté, au lieu de remettre en cause le système, on estime qu’on n’en a pas fait assez. C’est ainsi que JD Flaysakier pense que l’apport d’encore plus de technologie, d’informatique et de robotisation pourra venir à bout de qu’il faut bien qualifier d’hécatombe. Cette fuite en avant ne résoudra rien d’autant que cela nous mettra dans une plus grande dépendance vis à vis des conditions économiques ou de stabilité politique.


Voir en ligne : https://www.francetvinfo.fr/sante/e...


[1C’est le même nombre que celui que j’annonçais lors l’écriture de mon premier livre commencée en 2007.

Vos commentaires

  • Le 24 février 2018 à 15:35, par Marie-France de Meuron En réponse à : Erreurs médicales : origine conjoncturelle ou structurelle ?

    Avant d’entrer dans le thème des erreurs conjoncturelles ou structurelles, je dirais qu’il y a des signaux en amont : les pensées ou les gestes mal à propos qui, en se regroupant, aboutissent à des erreurs bien concrètes. Ces erreurs en perceptions, déductions, appréciations font qu’elles prennent de plus en plus de place et atterrissent (viennent à terre !).
    Que signifie « erreur ». Comme le mot l’indique, il y a errance, errer. A distinguer de la « faute » dont l’étymologie est « falta » le manque. Ou encore le « péché » dont on ne connaît que trop le sens religieux alors que ce mot vient de l’hébreu et signifie tout simplement « mauvaise visée ».
    Avec l’erreur, on perçoit qu’il manque des jalons, des points de repère. On se lance trop vite dans l’action, au lieu de rester dans une attitude réceptive pour capter le plus d’éléments possible de la situation présente.
    Dans la faute, on constate un manque. Celui-ci peut se révéler à plusieurs niveaux : manque de moyens, manque de forces, manque de temps etc
    Dans mauvaise visée, on voit que l’on a mis ses œufs dans le mauvais panier, d’où une omelette de mauvais aspect et probablement de mauvais goût !
    La perception de ces différents paramètres permet de mieux rectifier le tir, de trouver de nouveaux moyens, de rencontrer des personnes plus appropriées à résoudre les situations.
    Si nous prenons en exemple les erreurs médicales, on voit que trop souvent maintenant, la médecine s’appuie à étiqueter les processus morbides plutôt qu’à traiter l’être humain dans toute son envergure et ses interrelations organiques. De plus, quand il y a des signaux avertisseurs, on n’en tient souvent pas assez compte car la décision du départ n’est pas remise en cause.
    Un exemple patent et très parlant : Une jeune femme va se faire opérer en clinique privée pour une varice :
    Le chirurgien « se trompe » (ce serait intéressant de savoir tout ce qu’il y avait en amont) et coupe l’artère principale de la jambe. La patiente se plaint beaucoup, donc on lui donne des calmants. Quand on est obligé de constater l’effet de l’anoxie de la jambe, la patiente est transférée à l’hôpital universitaire mais il est trop tard et il faut l’amputer.
    Ce qui est à souligner dans cet exemple, c’est l’ensemble des paramètres concernés qui ont été mal évalués et ont abouti à l’amputation.

    Vous évoquez le problème structurel : Plusieurs paradigmes entrent en jeu. Tels que je les perçois, ils se situent pour moi sur plusieurs plans comme le côté conceptuel de l’être humain avec ses fonctionnements dans plusieurs dimensions, ses réactions pathologiques en réponse à des agressions elles-mêmes multiples. En face de quoi nous avons les essais de compréhension des thérapeutes, des applications dans leurs thérapies et des influences de leurs enseignants (pas toujours des Maîtres…). Sur quoi domine la mentalité de la période en cours, avec les courants politiques, économiques et juridiques qui, étant très matérialistes ont tendance à tout concrétiser, ce qui fige beaucoup les dynamiques en jeu. Lesquelles s’éloignent ainsi des lois de la vie toujours mobile et sujette à transmutations.
    Tant qu’on ne veut pas revoir les idées, les concepts auxquels on obéit, effectivement on tombera souvent à côté des réels besoins et souffrances des êtres humains.

  • Le 24 février 2018 à 15:51, par Christian Portal En réponse à : Erreurs médicales : origine conjoncturelle ou structurelle ?

    Merci Marie-France pour ce commentaire qui nous éclaire, notamment, à l’aide de la sémantique qui permet de bien organiser la pensée.

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