Alors, chaque fois que je m’en ouvre à mes amis, si quelques-uns comprennent mon agacement, ils partagent rarement mon indignation de fond.
Les arguments d’opposition sont rarement scientifiques, en particulier au début de la discussion. Le plus souvent, mes détracteurs mettent en avant l’esprit de fête, les évènements conviviaux, la mobilisation, la fraternité et enfin le soutien aux personnes qui souffrent.
Tout cela est bel et bon mais fonctionne comme toutes les journées de célébration ou de revendication avec pêle-mêle, la journée de la femme, de la lèpre, du SIDA, de l’enfance, la gay pride, etc. Que les lecteurs malicieux ne recherchent aucun lien dans cette énumération.
Nous verrons qu’il y a de nombreuses raisons objectives d’être opposé à cette action mais, peut-être, le plus agaçant est le consensus autour de cet évènement. Les « pepole » et les journalistes, eux aussi médiatiques, deviennent les acteurs de cette messe où chaque année, il s’agit de battre un nouveau record. Il est particulièrement obscène de s’activer autour de ce désir de battre un record de dons comme s’il s’agissait d’un record sportif. Dans l’anonymat de chaque don, chacun se sent investi d’un record collectif qui ne profite réellement, pour un soir, qu’à la petite gloire éphémère de quelques uns et surtout aux profits colossaux générés.
A ce moment, on touche au cœur de la question.
Au début, et c’est toujours au centre des préoccupations, il s’agissait de soutenir les familles en détresse sociale et psychologique, mais aussi, matérielle. Car on le sait, une des plus grosses difficultés, pour les familles touchées est d’ordre économique : les soins, les appareillages, les équipements domestiques, les transformations de véhicule et surtout la perte de revenus occasionnés par l’abandon de son travail de l’un des parents qui doit se consacrer à cet enfant. A ce niveau, je ne rentrerai pas dans le détail de tous ces drames.
Pourtant, devant l’importance des dons, il semble que certains ont perdu la tête (ou pas), et se sont orientés vers une autre démarche. Dès qu’il y a de l’argent, il y a du pouvoir. Pouvoir d’agir, ce qui est plutôt bien, mais aussi, pouvoir de décider et d’orienter des choix, de recherche par exemple.
Or, qu’observons-nous depuis un quart de siècle de Téléthon ?
Avec la manne d’argent qui est arrivée d’un coup, on s’est orienté brutalement sur une démarche scientifique univoque. Il faut dire que cette abondance de moyens a permit des avancées considérables dans le domaine de la compréhension génétique. Car, puisque les maladies étaient génétiques, il fallait comprendre le génome et surtout envisager de le réparer. Nous sommes dans le réductionnisme scientifique moderne qui associe chacune des maladies à une cause simple. Même si le génome est très difficile d’accès, la démarche reste simpliste : une maladie, un gène.
Le problème est qu’au milieu de cet énorme matériel génétique, les gènes ne représentent qu’une petite partie. On semble ignorer l’importance de ces parties non exprimées de l’ADN qui pourraient bien représenter des phénomènes de contexte. L’expression des gènes pourraient bien être en rapport avec tous ces éléments apparemment sans signification. On ne peut pas dire que ce qu’on ne comprend pas ne sert à rien.
Évidemment, je ne suis pas un généticien et je ne fais qu’exprimer ici les réserves faites par d’autres plus pertinents que moi dans ce domaine.
En tant que promoteur d’une médecine écologique, je peux difficilement souscrire à la démarche de la réparation génétique pourtant, s’il y avait des résultats, je serais obligé de m’incliner, encore qu’il faudrait sans doute attendre très longtemps pour observer les effets sur la durée de la vie des personnes soignées mais aussi ceux sur la lignée des personnes ainsi « sauvées ».
Cette problématique est d’autant plus cruciale que notre société médiatique ne sait fonctionner qu’à coup d’annonces. Ainsi, on a sauvé des enfants grâce aux thérapies géniques ! Voici l’annonce qui parait dans les journaux sans la moindre réserve ni sans observer la moindre attente quant au résultat à long terme. Ces enfants sont tous devenus leucémiques en quelques mois, mais qui en a parlé ? Certainement pas ceux qui avaient annoncé la victoire et surtout pas avec les mêmes coups de clairon !
Je sentais en outre que tout cet argent placé sur une même démarche scientifique était malsaine. Récemment, le professeur Jacques Testart a pris position sur son blog et je vous invite à consulter son article. Il avait également donné un entretien au journal medecines-douces.com qui a donné la matière à un article très intéressant d’un journaliste indépendant, Olivier Bonnet, dont le lien est affiché en début d’article.
Si vous cherchez d’autres éléments pour fonder votre conviction, voici deux articles intéressants pour leurs aspects économiques ou humains :
Enfin, pour mieux comprendre la thérapie génique et ses limites, voici également un très bon article.
On y voit en particulier tout que ce travail scientifique a de séduisant mais aussi d’inquiétant quant aux méthodes dont l’aspect « bricolage » montre l’absence de compréhension globale.
Il reste un problème majeur que je ne traiterai pas ici qui est celui de la vie de ces enfants. Chacun est touché par le drame que représente la maladie d’un enfant. Pourtant, on ne peut traiter cette question sous le seul angle émotionnel. C’est une question qui appartient d’abord à des philosophes-scientifiques ou sans doute à des personnages qui font cruellement défaut dans notre société matérialiste : les chamans.
Toutes les sociétés traditionnelles ont trouvé des réponses sur le sens de la vie qui permettent d’accepter des vies plus courtes et même éphémères. Ces vies sont-elles moins riches pour autant ? Bien sûr la question reste en suspens et ceci d’autant plus dans notre monde qui croit que les savoirs vont nous permettre de résoudre toutes les questions et que tout vaut le coup d’être fait sans s’occuper des conséquences à court ou à long terme. Toutes nos interventions sur le vivant sont porteuses de conséquences pour lesquelles nous devrions nous montrer très prudents. Or l’appât du gain et la soif de gloire nous entraine toujours plus loin dans des délires technologiques. Je ne suis pas certain que notre espèce ait beaucoup à y gagner.